03 février 2008

Finalement ces Grecs...



Maintenant Jacques est prof. Et à la fac ! « Ce n’est pas tout de passer tout son temps à lire des tas d’ouvrages sur la littérature, les mythes, les grecs et compagnie maintenant il faut songer à transmettre. C‘est fondamental..». Grosso modo, bien sûr dans une langue de circonstance, c’est-ce qu’a du lui dire, dans un bureau, troisième porte à gauche après avoir tourné à droite en arrivant au deuxième étage, un directeur de recherche quand, passé une année à chercher, notre bon Jacques n’avait pas trouvé le déclic pour mettre deux trois trucs au propre histoire d’y voir plus clair. Tout était en vrac sur des feuilles volantes affalées sur la moquette. Etayer des arguments crédibles, sérieux, assez solides en tout cas pour supposer que oui, bonne intuition l’hypothèse est valable et sera vérifiée, ce n’est pas rien. Non… pas thèse anti-thèse synthèse, on est plus au lycée ! Ce n’est pas ce qu’on croit que de trouver du nouveau en littérature. Depuis des millénaires qu’ils descendent en bas de la page leurs plumes, et qu’ils la remontent et la redescendent… et quand ils terminent une histoire, c’est un autre qui la reprend des siècles après, y ajoute son grain de sel et ainsi de suite, si bien que d’Anouilh en Sénèque de Giraudoux en Shakespeare on en perd son latin. Vous les mettriez tous autour d’une table avec leurs bouquins « à l’aveugle » (comme pour les dégustations de pinard vous savez) pas sûr qu’ils retrouveraient leurs petits. Le sang dégouline, des affreux mangent les gosses de leurs frères, ça tue, ça viole, ça guerroie à tour de bras et les gars vous tournent ça lyriquement, des fois même en rime, convoquent les dieux et finissent par vous ficeler des petites morales indémodables sur le pouvoir et tuti quanti, a tel point que dans nos institutions culturelles, des quarantenaires insomniaques encore qualifiés de « jeunes metteurs en scène » s’évertuent dans la beauté du plateau nu à les entrechoquer aux réalités contemporaines. Et ça marche !!! La preuve, dans les débats après les représentations des spectateurs disent « c’est dingue comme ça résonne encore aujourd’hui. Putain ça fait peur… ». Une bonne raison de ne pas leur en vouloir d’avoir écrit tout ces trucs puisque ça fait encore plaisir à des gens. Après tout hein, chacun s‘amuse comme il peut… Et en plus ça fait bosser Jacques.
Bref, maintenant Jacques est prof et c’est dingue comme en si peut de temps il réussit bien à faire le prof. Il tient une feuille dans une main, de l’autre fait de jolis gestes de chef d’orchestre en faisant des d’aller-retours devant le tableau. Il se penche en avant, il a trouvé une belle petite musique de prof qui marche du feu de Dieu, à tel point qu’on serait près à parier que tout ce qu’il nous raconte c’est du vrai, de l’authentique. C’est incroyable, c’est fabuleux.
Il a de la chance Jacques, c’est plein de jolies filles son cours. Mais pas que. Il a quelques grands gaillards dont un Gothique et un type qui a un véritable poncho des Andes. La littérature attire toujours son petit pourcentage de Gothiques et d‘amoureux des Andes. Il y a aussi un vieux monsieur qui profite de la retraite pour se faire plaisir en apprenant. Il s’installe au fond et prend des notes avec gourmandise. Ce n’est pas le cas de ces deux plus proches voisines, ni du Mickey laqué qui les accompagnent. Ces trois là trépignent d’impatience, ricanent, papotent. On sent bien qu’ils sont plus Tektonic que tragédie. Mais ne nous nous laissons pas emporter par le flot du fiel amer de la réaction. Nous ne jugeons pas. La Tektonic c’est bien. Toute jeunesse a besoin de s’identifier à un mouvement, une mode, une façon d’être. Mais tout de même, elle est fichtrement ridicule cette danse, il ne faut pas s’étonner que les vieux vous prennent pour des trous du cul: bandes de petits cons ! Le trio dégage également un petit rien qui pourrait nous amener à haïr la coiffure, artisanat tout à fait respectable au demeurant. Dans nos rêves les plus violents, on eût aimé pouvoir, à la manière d’un Sénèque, en faire de la pâté puis la donner en toast à leurs parents à l'apéro de la fête des voisins… non sans avoir auparavant pris soin de déchiqueter avec les dents ce petit string arrogant et ce chemisier scintillant pigeonnant de petits seins tout ronds, tout mignons…
« et il faut s’imaginer Sisyphe heureux… »Anis* Jacques concluat-il avec superbe son son cours, attirant sur lui les regards humides des jeunes filles en fleurs.
Finalement ces Grecs…

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