11 novembre 2006

Schiller, tu l'as lu dans quelle traduction ?

C’était « soir de première » dans notre bon Centre Dramatique National, fer de lance de la démocratisation culturelle. Les comédiens avaient reçu leur rose et des amis et d’autres comédiens leurs avaient envoyé des fax pour leur dire « un gros merde ». Après la représentation, des professeurs de français qui n’avaient pas dîné, quelques étudiantes, des conseillers artistiques, le personnel du théâtre et des comédiens se pâmaient autour du saucisson, un verre de blanc en main puis allaient à tour de rôle congratuler le metteur en scène et les comédiens. Il arrive dans ce type de rituel, lorsque l’alchimie de la convivialité ne prend pas, que les conversations, comme animées par un chef d’orchestre invisible et taquin se taisent les unes après les autres pour transformer le brouhaha en un silence plombant… Il convient alors aux personnes civilisées de relancer la conversation en posant à son voisin une question anodine et suffisamment ouverte pour lui permettre de rebondir facilement. C’est ce qui se produisit : notre voisin, un comédien, un conseiller artistique ou peut-être un directeur de théâtre lança à son voisin, un directeur de théâtre, un conseiller artistique ou peut-être un comédien « Schiller, tu l’as lu dans quelle traduction ? ». Nous ne pûmes retenir un rire qui à cause du vin public faillit être tonitruant. Notre civilité revenue nous mesurâmes l’ampleur de notre étonnement. Raoul s’essaya alors à un questionnement anthropo-métaphysique se demandant si le monde était divisé entre ceux qui pour relancer une conversation disait « beau temps pour la saison, tu fais quoi ce week-end ? » et les autres qui lançaient « « Schiller, tu l’as lu dans quelle traduction ? »… voulant nous impliquer dans sa démarche philosophique tout à fait louable dans un tel lieu de pensée et constatant que nous n’y arrivions pas il réamorça avec une approche sociologique et plus pragmatique «… souvenez-vous au lycée, les premiers de la classe, ce sont eux qui aujourd’hui pour relancer une conversation disent : Schiller, tu l’as lu dans quelle traduction ? » … Pas du tout convaincu par la démonstration de Raoul Jacques dit « Ben non, moi j’étais premier de la classe au lycée… ». Alors on se resservit un verre de vin public et on se demanda bien ce qu’on allait pouvoir faire ce week-end avec le temps pourri qui s’annonçait.

1 commentaire:

nico a dit…

ah! Je l'attendais avec impatience celui-là...!
Je me suis bien bidonné, merci!